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La réalité de ce bas-monde
Au nom d'Allah le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux, louange à Allah Seigneur de l'univers, que Sa Bénédiction et Son Salut soient sur le prophète Muhammad ainsi que sa famille et ses compagnons.
[Ce bas monde est à l’exemple] d’un homme qui a construit une maison, l’a embellit, y a
rassemblé tous les appareils nécessaires, et y a invité tous les gens. Chaque fois que quelqu’un
entre, il le fait s’asseoir sur un lit confortable, il le met devant un plat garni de viande, il pose
entre ses mains divers couverts précieux dont il a besoin, et il met à son service ses esclaves et
ses domestiques.
La personne douée de raison [al-‘Aqil] comprend que tout cela n’est que jouissance
temporaire appartenant au propriétaire de la maison [Sâhib ad-Dâr], que cela soit les esclaves
et domestiques mis à sa disposition ou les ustensiles. Il a donc profité de cela toute la durée de
son séjour dans la maison, sans que son coeur ne s’attache à ces choses et que lui-même ne
veuille les posséder. Bien au contraire, il fut avec le propriétaire de la maison [Sâhib ad-Dâr]
comme se doit d’être un invité avec son hôte ; il s’assoie là où l’hôte le fait s’asseoir, il mange
ce qu’il a devant lui sans rien demander de plus avec cela, se satisfaisant du savoir-faire [al-
‘Ilm] du propriétaire de la maison, de sa générosité et de la manière dont il traitait ses invités.
Il est entré dans la maison avec dignité, il a profité de ses bienfaits avec dignité et il s’est
séparé de lui avec dignité sans qu’il n’ait à blâmer le maître de la maison.
Quant au fou [al-Ahmaq], son âme lui suggère d’habiter la maison, de s’approprier les
ustensiles qui sont dedans et d’en disposer selon ses passions et désirs. Il choisit lui-même où
il va s’asseoir et se met à déplacer les ustensiles vers un coin de la maison et à les cacher.
Chaque fois que le maître [de la maison] lui présente quelque chose, son âme lui suggère de
s’en emparer et de se l’accaparer au profit des autres invités. Alors pendant ce temps, le
maître de la maison témoigne de ce qu’il fait, mais sa générosité l’empêche de le faire sortir
de sa maison. Lorsque enfin [le fou] pense qu’il s’est emparé exclusivement de ces ustensiles
et matériaux, qu’il est devenu maître de la maison, et a disposé de ces ustensiles comme s’il
était lui-même véritablement maître [de cette demeure], l’a occupée et l’a prise pour sa
maison, [le propriétaire] envoie ses serviteurs qu’ils l’expulsent de manière violente et le
dépouillent de toutes les choses qu’il s’est accaparées, et ils ne lui laissent pas un seul
ustensile. Tout ce qu’il a gagné c’est la séparation du maître de la maison - Il fut dévoilé
auprès du maître entre ses serviteurs et domestiques.
Il y a certes en cet exemple une réflexion avérée pour une méditation véritable. Et cela est
incontestablement conforme - Et le secours est auprès d’Allâh ! ‘Abdullâh Ibn Mass’oûd -
qu’Allâh l’agrée- a dit : « Tout un chacun dans ce bas monde est un invité [Dhayfoun].
Ses biens sont confiés - Certes l’invité doit partir [un jour] et toute chose confiée doit
être restituée. » [Rapporté par al-Bayhaqî dans « Chu’ab il-Imân »]
Il est rapporté dans les deux Sahîh d’après Anas Ibn Mâlik -qu’Allâh l’agrée- qui a dit :
« Un fils de Abû Talha tomba malade. Puis, il mourut alors que Abû Talha était dehors.
Sa femme, ayant constaté la mort de son fils, prépara quelque chose. Ensuite, elle plaça
le corps dans un coin de la maison.
A son retour, Abû Talha -qu’Allâh l’agrée- dit : « Comment va l’enfant ? » - elle
répondit : « Il s’est calmé et j’espère qu’il se repose. » Abû Talha pensa que cela était
véridique et alla se coucher. Au matin après avoir fait ses grandes ablutions [Ghousl], sa
femme le retint au moment où il s’apprêtait à sortir et l’informa de la mort de son fils.
Après quoi, il alla faire la prière avec le Prophète -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallâm- puis
mit ce dernier au courant de ce qui s’était passé entre lui et sa femme. Alors, le Messager
d’Allâh -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallâm- lui dit : « Puisse Allâh bénir votre nuit passée
ensemble. »
Sufyân a dit : Un homme des Ansâr a dit [plus tard] : « J’ai vu qu’ils ont eu [Abû Talha
et sa femme] neuf enfants qui tous récitaient le Qor’ân. ». » [Rapporté par al-Bukhârî et Muslim]
Par l’Imâm Qayyîm Al-Jawziyyah
Source : « ‘Iddatu as-Sâbibirîn wa dhakhîratu ach-Châkirîn », page 372-373.1
1 - Edition Dar Ibn al-Djawzî.